Les Combinaisons de Natation Interdites
Les prémices des combinaisons de Natation
C’est à la deuxième moitié des années 1990 que les premières combinaisons font leur apparition en remplacement des traditionnels maillots de bain. Avant les Jeux olympiques d’Atlanta de 1996, la marque TYR proposait déjà une combinaison en plusieurs pièces, avec des manchettes non fixées au reste, afin d’augmenter le confort du nageur au niveau des épaules. Ce modèle avait été refusé par la FINA, car le règlement stipule que la combinaison doit être en une seule pièce. C’est par ailleurs lors de ces Jeux que l’Irlandaise Michelle Smith devient la première nageuse vêtue d’une combinaison à remporter une médaille d’or, 3 médailles d’or du coup au 400m NL ainsi qu’au 200m et 400m 4 Nages.
En 1999, la marque allemande Adidas défraya la chronique en mettant sur le marché une combinaison intégrale du cou aux poignets et chevilles avec comme modèle la star montante du moment : l’Australien Ian Thorpe, pour tester et promouvoir cette tenue dont la technologie est validée par la FINA. Malgré cela, il est reproché à cette combinaison de permettre une économie d’énergie par la réduction de la traînée et la compression du corps.
Le phénomène s’étend
L’Australien Speedo lance à son tour sa propre combinaison, la Fastskin, ce qui accroît la polémique sur l’utilisation de cette nouvelle technologie. La FINA, de son côté, tolère ces combinaisons de ses deux marques mais les invite toutefois à plus de transparence, laissant par ailleurs aux nageurs la totale liberté de choisir ou non de porter ces tenues en compétition.
Dès l’année suivante, plusieurs marques annoncent la confection de combinaisons telle que Arena avec sa tenue Powerskin, Diana et sa Mach 100 % silicone ou encore Asics, ce quelques mois avant les Jeux olympiques d’été de 2000 à Sydney. À l’approche du principal rendez-vous de l’année, les critiques se multiplient notamment en Australie, le pays organisateur de ces Jeux, pays où la natation est reine. Finalement, lors des sélections olympiques australiennes, tous les principaux nageurs disposent finalement de combinaisons Speedo. À l’inverse, en raison d’un nombre insuffisant de tenues disponibles sur le marché, l’utilisation de la combinaison Speedo est interdite lors des sélections canadiennes. Une décision un temps partagée par les États-Unis qui interdisent l’utilisation des nouvelles combinaisons pour les Olympic Trials avant de se raviser.
C’est ainsi qu’à partir des JO de Sydney en 2000 et tout au long d’une décennie, les combinaisons seront de coutume dans la Natation de très haut niveau. De rares nageurs, tel qu’Alexander Popov y feront de la résistance, prétextant qu’il ne supporte pas les combis qui compriment le corps, mais cela se fera ressentir sur ses résultats, étant donné qu’il ne glanera aucune médaille lors de ces éditions. La seule règle pour ces combinaisons à respecter est qu’il ne faille pas combiner deux combinaisons afin de ne pas trop favoriser la flottaison des nageurs. Pour les femmes par exemple, seule un bas de bikini était généralement portée en dessous de leur combi. C’est ainsi que plusieurs nageuses se montraient en compétition avec leur combinaison somme toute transparence, laissant entrevoir leur poitrine. La polémique autour des combinaisons de Natation atteignit son paroxysme dès 2008 lorsqu’on réalisa qu’on ne citait de moins en moins les noms des nageurs pour leur performance mais plutôt ceux de leur combinaison !
Le 12 février 2008, Speedo lance sa nouvelle combinaison, la LZR Racer, élaborée en association avec la NASA et l’Australian Institute of Sport, avec Michael Phelps et Natalie Coughlin en sorte de cobaye. La marque décrit sa tenue comme la « première entièrement assemblée et soudée par ultrasons ». Elle affirme également que la LZR Racer diminue de 10 % la traînée par rapport à la Fastskin FS de 2004. Presque immédiatement après la commercialisation de la combinaison, de premiers records du monde sont battus et non des moindres ! Le 16 février, la Zimbabwéenne Kirsty Coventry bat le deuxième plus ancien record du monde, celui du 200 m dos en grand bassin de la Hongroise Krisztina Egerszegi. Le lendemain, c’est au tour de l’Australien Eamon Sullivan de faire tomber l’une des plus anciennes marques, celle du 50 m nage libre en grand bassin du Russe Alexander Popov.
Des records à la chaîne !
Rien que sur l’année 2008, 105 records du monde sont battus, chose inédite dans l’Histoire de la Natation. 79 l’ont été avec la combinaison LZR Racer de Speedo et seulement quelques uns grâce à sa concurrente, la Powerskin R-Evolution d’Arena, dont les nageurs sous contrats avec elle font pressions, insatisfaits de ses performances.
Après les Championnats d’Europe en petit bassin en décembre 2008, où dix-sept records du monde tombent, des voix s’élèvent en faveur d’une réglementation de l’usage des combinaisons alors que d’autres mettent en évidence un « dopage technologique ». La FINA tente de fixer quelques règles en 2009 afin d’éviter certaines dérives qui seront au final annulées. Peu de temps après, la Suédoise Therese Alshammar fut disqualifiée d’une course à Sydney dont elle avait battu le record du monde, pour port de deux combinaisons. La nageuse se défend en mettant en avant des raisons d’intimité, mais la fédération australienne n’autorisait à cet escient qu’un slip de bikini sous la combinaison. De son côté, la FINA est devenue plus stricte et maintient que rien ne peut se trouver sous la combinaison, la Fédération Australienne finira par s’aligner sur ce règlement.
Les marques concurrentes s’en mêlent
Pourtant, à peine ces dispositions en place, le débat se cristallise autour d’une nouvelle combinaison, la 01 de l’Italien Jaked. Bien que validée par les autorités internationales, cette tenue supplante la LZR Racer vis-à-vis des critiques. De nombreux records tombent en avril lors de plusieurs championnats nationaux, durant lesquels des centaines de nageurs cherchent à se procurer la tenue. Dès lors, plusieurs temps sont stigmatisés et jugés peu crédibles. En France, les débats sont vifs lors des sélections nationales où deux barrières tombent : Frédérick Bousquet nage moins de 21 secondes sur 50 m, Alain Bernard moins de 47 secondes sur 100 m nage libre. Ce dernier porte toutefois une combinaison Arena non validée, la X-Glide.
Dans un premier temps, la FINA établit une liste de 202 combinaisons tolérés dont ne figurent pas celle des record du monde du 50 et 100 m nage libre dont la validation resta alors en suspens. Une liste qui fut alors par la suite élargit. Certains virent dans ces multiples revirement d ‘éventuelles collusions d’intérêt entre la FINA et la marque italienne Jaked à l’approche des Mondiaux de Rome en 2009. Mais suite à ces championnats du monde, la FINA, avec à sa tête le nouveau Président Julio Maglione et poussé par la Fédération Américaine, décida à l’unanimité de revenir sur des maillots en tissu. Ce nouveau règlement prévoit l’interdiction des maillots en Polyuréthane mais aussi la restriction des tenues aux seuls pantalons limités au bas des genoux pour les hommes, idem pour les femmes mais un haut de corps non couvert au-delà des épaules.
Ce qu’il en reste de cette période assez tronquée
En ce qui concerne la question des records réalisés avec des combinaisons en polyuréthane, la FINA indique qu’ils ne seront pas annulés rétroactivement. En revanche, elle pourrait ajouter un astérisque devant chaque record, symbole d’une performance aidée d’une combinaison désormais non autorisée. Une combinaison de natation est un vêtement souple composé de matériaux synthétiques couvrant d’un seul tenant le haut et/ou le bas du corps d’un nageur. C’est ainsi que la FINA mit fin à un épisode de l’Histoire de la Natation somme toute atypique, ou la surenchère technologique et sportive se mêla dangereusement à des enjeux financiers, risquant de mettre en péril le spectacle engendré par la discipline aquatique reine.